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Des mythes du vin: les quatre goûts de la langue et la cuiller à champagne

langueLes mythes ont la vie dure dans le monde du vin. Quelqu’un dit ou écrit quelque chose et c’est souvent répété à satiété. Les auteurs répètent ce qu’ont écrit les écrivains précédents.

Il est ainsi du mythe de la carte de la langue. Selon cette croyance, on percevrait les saveurs à des endroits différents de la langue. Le sucré sur le bout, l’acidité sur les côtés, l’amertume au fond et le salé quelque part sur les côtés de ladite langue.

Ceci est faux. La croyance serait due à une erreur de traduction d’une thèse en allemand Zur Psychophysik des Geschmackssinnes, de D.P. Hänig publiée en 1901 et traduite par un chercheur de Harvard, Erward Boring.

Selon Cathy Pelletier, de l’ASHA, «nous percevons tous les goûts un peu partout sur la langue, bien qu’il puisse y avoir sensibilité accrue à certains goûts sur certaines zones de la langue.»

Les études de Virginia Collings en 1974 et de Linda Bartoshuk en 1994 ont démontré qu’il n’y a pas de zone de la langue spécialisée dans la détection des goûts. Ce sont plutôt l’ensemble des cellules des bourgeons des papilles de toute la langue qui envoient ces informations au cerveau. 

«Les goûts sucrés et amers, pourtant antinomiques, peuvent être perçus par les mêmes récepteurs et procurent pourtant une sensation bien différente.» (Cap Sciences)

Annick Faurion, neurophysiologiste de la gustation dit qu’«environ 8 000 bourgeons gustatifs assurent la détection des saveurs. Ils sont présents majoritairement au niveau de la langue, plus précisément des papilles gustatives, mais également dans l’épiglotte, le pharynx et le palais. Ces amas sont constitués de 50 à 125 cellules spécialisées reliées entre elles. Celles-ci se renouvellent tous les 8-10 jours environ, permettant ainsi un maintien du potentiel gustatif, même après une brûlure. Les cellules des bourgeons gustatifs se terminent par de fines microvillosités qui entrent en contact avec les substances sapides dissoutes dans la salive.» (Physiologie du goût sucré)

M. Faurion ajoute que «contrairement aux croyances populaires, il n’y a pas de zone de la langue associée spécifiquement à une saveur. En effet, une même cellule gustative, quelle que soit sa localisation, est sensible à plusieurs types de stimulus sapides, transmis par une grande variété de récepteurs gustatifs peu spécifiques.» (D Smith, R Margolskee. Le sens du goût. Revue Pour la Science. 2001 ; 283 : 36-43. cité par Annick Faurion)

Le réputé physico-chimiste Hervé This demande qu’on cesse d’enseigner ces âneries aux amateurs de vin et de cuisine.

Passons maintenant à la théorie fausse de la carte de la langue: les livres sur le vin représentent cette carte en disant que la pointe de la langue perçoit le sucré, les bords antérieurs… Je m’arrête là, car il est facile de faire l’expérience à l’aide de solutions différemment savorisées et d’un compte-goutte: en déposant des gouttes des diverses solutions à différents endroits de différentes langues, il n’est pas difficile de voir que chacun d’entre nous reconnaît différemment les saveurs.
Alors allons-nous longtemps supporter que ces âneries soient enseignées à nos apprentis ou à nos enfants? Le monde de la cuisine devrait revendiquer une remise à plat de ces idées.

 

La petite cuiller d’argent dans le champagne

Un autre mythe est celui qui dit qu’une petite cuiller d’argent dans le goulot d’une bouteille de champagne empêche la fuite des bulles.

Là aussi, ce serait totalement faux selon une étude faite en 1995 pour le compte du Comité interprofessionnel des vins de Champagne. «Le verdict est sans appel: les petites cuillers dans le goulot ne servent à rien.» Après 24 heures, les bouteilles non obturées ou munies d’une petite cuiller ont perdu 0,8 gramme (perte de poids correspondant à l’évaporation du CO2), alors que les bouteilles rebouchées n’ont pas perdu de poids.

Il y a de nombreux mythes comme ceux-là dans le monde du vin: 
 – comme servir le blanc avant le rouge, alors que le blanc peut très bien suivre le rouge. Il doit même le suivre lorsqu’il est sucré;
 – servir le champagne dans des flutes, il est préférable d’utiliser des verres amples, car la flute réduit la diffusion des arômes…