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Pinot noir, cépage de l’arnaque?

Le pinot noir ne vieillit pas!
Les vins de pinot noir sont à boire dans les 3 à 5 ans!
Plus de 85 % de la production de pinot noir de Bourgogne est de piètre qualité!
S’il y a un cépage qui demande des prix exorbitants pour peu de qualité c’est bien le pinot noir!
C’est très rare qu’on ait un pinot qui représente un bon rapport qualité-prix!
Les chroniqueurs vins goûtent les bourgognes rouges jeunes et nous disent qu’ils vieilliront bien, mais ne nous en parlent plus lorsque ces vins ont pris de l’âge.
Les meilleurs pinots noirs sont sous capsule à vis!

Vous avez sûrement déjà entendu l’une ou plusieurs de ces sentences.

Pourtant, la première fois que j’ai été impressionné par un vin vieux, c’était justement un pinot noir, un Clos de Tart 1978.

Il y a une quinzaine d’années à un salon des vins de Montréal, je dégustais des vins de Bourgogne et, lisant la déception sur mon visage, un vieux routier me dit «les rouges de Bourgogne doivent être bu sur le fruit, en jeunesse.»

C’est en me rappelant tout ça que je me suis présenté à une dégustation de vin du cépage pinot noir présenté par l’Amicale des Sommeliers de l’Outaouais.

Des bourgognes, mais aussi des néozélandais, des oréganais et un californien. Des vins qui se vendent cher: de 58 à 178 $.

Je vous donne ici quelques commentaires sur chacun des vins, puis après quelques remarques générales et conclusions.

Pinot noir 2006, Jessie Vineyard, Cristom, Willamette Valley, Oregon  67 $
Une teinte brune. Aromatique, viande et terre. Belle bouche fruitée une peu racoleuse. Une longue finale un peu métallique et légèrement amère.

Nuits-Saint-Georges 2005, 1er cru, Les Porets, Domaine Faiveley  82 $
De beaux arômes invitants. Minéral et touche métallique. Un peu cerise surette. Un beau granulé, mais peu de fruit. Noyaux de cerise. Finale un peu asséchante. Quelqu’un a dit que le vin devrienda très bon dans quelques années. On peut supposé aussi qu’il pourrait se dessécher encore plus. 

Pinot noir 2006, Carrick, Central Otago, Nouvelle-Zélande 58 $
S’ouvre plus lentement sur une petite note de terre et de viande. Cannelle, tabac et alcool. Un peu rude. Longueur minérale. Tout de même d’un poil mon préféré des trois. 

C’était le premier volet. Une belle mise en bouche. Mais on vient tout de même de dépenser 207 $ et on n’a pas encore un très bon vin.

Pinot noir 2006, Lindsay Estates, Paul Hobbs, Russian River, Californie 129 $
Sucre d’orge et chocolat brun. Peu de tanins, un peu de sucre. Un petit tawny. Il semble que les raisins en surmaturité aient ici donné du caramel brûlé. Pas mauvais, un vin bonbon. 

Pinot noir 2006 Valli, Gibbston Vineyard, Central Otago, Nouvelle-Zélande  61,50 $
De très beaux arômes et saveurs d’épices, de fumée et de viande. Une bouche séveuse agréable. Fruit en retenu, plutôt sur les épices (bois). Long et assez complexe. Le vin est à son apogé.
La dégustation s’est faite à l’aveugle et mon préféré est un néozélandais, je suis très étonné. En plus, l’un des moins chers! Il est disponible à la SAQ. 10956057

Pinot noir 2005, Evenstad Reserve, Domaine Serene, Willamette Valley, Oregon  62 $
Un vin crémeux, fait d’une pièce, unidimensionnel, un peu carré. Si ce n’était de son acidité, on dirait un merlot.

Corton 2002, grand cru Clos du Roy, Antonin Guyon  90 $
Des odeurs de caves humides. Acide et poussiéreux. Il y avait quatre bouteilles. Quatre vins différents (Une autre bouteille m’a semblé bien). Médiocre.

Voilà pour le deuxième volet. Je m’ennuyais du premier volet. Plus de 300 $ et, sauf un vin, on est redescendu d’un cran au niveau de la qualité.

Clos des Lambrays 2002, grand cru, Domaine Taupenot-Merme  175 $
Cave humide, bouchonné. Le bouchon n’était pas trop apparent au début, mais il s’est accepté dans le verre. (Une participante m’a fait goûter son verre et c’était bien mieux.)
Une production d’une trentaine de caisses. Combien de bouchonnées? Médiocre.

Charmes-Chambertin 1996, grand cru, Domaine Taupenot-Merme  178 $
Une teinte orangée. Des saveurs d’orange, de cerise de terre et de cointreau. Légère âcreté. Un gâteau aux fruits oubliés à Noël gouté en juillet. Certains l’on trouvé complètement dépassé. Oui, il est bien dépassé, mais pas mauvais du tout. 

Charmes-Chambertin 1999, grand cru, Domaine Taupenot-Merme 161 $
Des flaveurs de jus de tomate de piètre qualité. (Une autre participante m’a fait gouté son verre et il était éclatant) Le mien médiocre.

En somme, je devrais avoir plus de chance à la loterie 6/49 ou au Super Max!

Une participante a dit «comment maintenant pourais-je acheter des pinots à ce prix pour mettre en cave sachant que j’ai de bonnes chances d’être déçu à l’ouverture?»

Fortes variations de bouteilles
Comment ce fait-il que ces vins vieillissent si mal et qu’il y ait tant de différence d’une bouteille à l’autre. Ces vins acquièrent des saveurs tertiaires très vites. Pourtant, 1996, 1999 et 2002 sont des millésimes qu’on disait très bons au moment des vendanges. Est-ce que ce serait mieux s’ils étaient bouchés avec une capsule à vis? Ce sont des vins qui ne sont pas meilleurs que bien d’autres qui se vendent autour de 25 $ (voir liste).

La dégustation s’est bien déroulée, les participants étaient très agréables. Les discussions ont été bien animées, l’ambiance était belle, les organisateurs ont bien mené tout cela, seuls les vins n’étaient pas à la hauteur.

En somme, une dégustation très intéressante qui m’a coûté 76 $, mais qui m’a permis d’économiser des centaines de dollars, ici 1063 $. Je n’achèterai jamais ces vins, surtout pas pour les faire vieillir. Je me demande si dans l’ensemble, ces vins auraient été meilleurs bus beaucoup plus jeunes.

Toutefois, je ne perds pas espoir. Je suis un éternel optimiste. Un jour, je boirai encore du très beau pinot noir, et peut-être même du bon pinot noir bien évolué.