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Les talibans du sangiovese

Connaissez-vous les vins de la Toscane ? Pouvez-vous nommer des appellations de Toscane ?  Il y en a 50. On connaît le chianti, on a entendu parler du brunello, mais montecucco, cortana et colline luchesi !

Nous sommes capables de nommer plusieurs appellations de Bourgogne — même les plus petites —, de Bordeaux et de la Loire, par contre pour ce qui est de la Toscane et même de l’Italie en général c’est souvent l’inconnue.

Il faut dire qu’il y très peu d’informations qui circulent sur les vins d’Italie au Québec. Il n’y a qu’un livre, celui de Jacques Orhon, pas de magazines, pas de sites Internet en Français. Contrairement à la France, l’Italie vinicole fait peu de promotions au Québec.

Pourtant, on sent un engouement pour les vins d’Italie chez nous. Cependant, la part de marché du vin d’Italie stagne à 18 % depuis plusieurs années au Canada. Au Québec, c’est 22 %.

À ce jour, il y a 1180 vins italiens dans le répertoire de la SAQ. C’était 972 l’an dernier. Là-dessus, il y en a 347 de la Toscane. 

La moitié des 10 vins les plus populaires au Québec (en volume) proviennent d’Italie. Quatre sont de la Vénétie et un des Abruzzes. Tous à moins de 14 $.

On dit que l’Italie sera bientôt le premier producteur mondial devant la France (FSE). Toutefois, quantité ne veut pas nécessairement dire qualité.

Pourtant, les exportations de vins ont diminué passant de 3,7 milliards en 2005 à 2,1 milliards de dollars en 2007. (Septimanie)

Les producteurs particulièrement en Toscane font des efforts énormes pour améliorer leur vin et le rendre plus accessible à l’exportation.

J’ai pu constater lors d’un voyage au début du mois en Toscane que plusieurs misent sur la qualité et certains sur l’authenticité pour mieux faire valoir leur production auprès des consommateurs.

Les puristes du sangiovese

Le sangiovese est le cépage rouge  le plus important de la Toscane, mais rares sont les vins faits entièrement de sangiovese. C’est un cépage difficile, tardif, acide et qui ne donne pas des résultats constants d’une année à l’autre.

Alors, de nombreux producteurs l’assouplissent avec du merlot ou d’autres cépages français. C’est une double garantie. L’une contre les aléas des millésimes, des températures. L’autre permet de rendre les vins plus souples et plus facilement accessibles à un plus grand nombre de consommateurs.

Toutefois, cela ne fait pas l’affaire des puristes  — sangiovese in purezza — des amateurs de 100 % sangiovese.  Lors de notre voyage, un producteur a même qualifié ces puristes de talibans.

La plupart des journalistes européens présents ont avoué par après, avec une certaine fierté, être justement des talibans du sangioseve.

Ils ont toutefois souvent été déçus au cours du voyage car les vins 100 % sangiovese sont rares.

Caparsa

Paolo CianferoniUn producteur, toutefois, a fait le bonheur des puristes, c’est Paolo Cianferoni de la maison Caparsa. Il a une petite production presque artisane de 20 hectares. Il vend sur le marché local. 

Il cultive surtout du sangiovese et un peu de colorino.  Ses vins sont fermes, bien acides. Il utilise les levures naturelles de son terroir. 

Il élève son vin dans des cuves de ciments (vinification) et des fûts de bois (veillissement). Pas de cuves en inox, sauf pour l’assemblage. « Le vin n’aime pas le métal, il est en prison. Il n’a pas d’air. Le sangiovese doit respirer. »

Il admet que son vin est très différent d’une année à l’autre : «c’est comme la musique, on ne joue jamais pareil.»

Ses vins se nomment Caparsino et Doccio a Matteo.  Ils sont d’une belle structure, fermes, naturels, non filtrés et assez costauds.

Il ne cherche plus à les assouplir.  Pour le millésime 2000, il a utilisé de la gomme arabique, à la suggestion d’un œnologue, pour arrondir son vin.  Il n’a pas aimé le résultat, il ne le fait plus, et exit l’œnologue.

Il serait bien intéressant de pouvoir goûter au Québec les beaux sangioves de ce producteur de Radda in Chianti.  (www.caparsa.it)

Castell’in Villa

Une autre maison qui fait un vin assez robuste est Castell’in Villa. Un domaine de pierre en haut d’une colline dirigé d’une main de fer par une digne dame d’origine grecque du nom de Coralia Pignatelli della Leonessa. Son mari, ancien diplomate, a acheté cet ancien couvent en ruine en 1968 et en a fait un vignoble réputé.

La dame veuve gère maintenant ces 50 hectares. Ses vins sont robustes et faits pour la longue route. Des vins d’une certaine rigueur, « pas des vins de méditation », nous dit-elle.

Son 2005, un millésime difficile en Chianti est vif, assez long, mais un peu asséchant. Le Riserva 2004 est vraiment superbe et très jeune. Le Santa Croce 2003, moitié sangiovese et cabernet et très goûteux. (www.castellinvilla.com)

Son Vin Santo 1993 est d’un sucré très agréable. «Amabile ma seco.»  Puis, sa grappa est d’un parfum envoûtant.

Quatre vins de cette maison sont actuellement disponible au Québec. Je les commenterai plus en détail bientôt.

Brolio

Franco RicasoliOn connaît très bien Brolio au Québec. La firme a été longtemps dirigée par la compagnie canadienne Seagram. Depuis 1993, c’est Franco Ricasoli qui a repris le contrôle de la maison ancestrale. C’est un grand domaine de 250 hectares qui a été complètement restauré. C’est le plus gros vignoble du chianti. On y cultive du merlot, du cabernet sauvignon et bien sûr aussi le sangiovese.

« Le sangiovese est un animal compliqué », dit Francesco Ricasoli. Il est adouci par les deux cépages français. La maison produit des vins plus abordables, moins acides, plus au goût du palais nord-américain.

Le Brolio 2006 est absolument superbe, équilibré et bien consistant. « 2006 a été fantastique et a donné de beaux sangiovese comme en 2001 ». Il s’ouvre lentement et laisse une longue impression en bouche.

Le Castello di Brolio, le haut de gamme de la maison, est aussi bien intéressant dans le millésime 2005. Il est déjà ouvert, bien élégant tout en étant puissant. Juteux et très long.  Le 2001 est plus ferme, plus tannique, un vin pour le repas. Il est encore un peu rugueux.

Monsieur Ricasoli fait aussi un IGT, le Casalferro 2005, plus moderne, constitué de sangiovese et de merlot. Les tanins sont ronds, c’est plus souple et plus facile.

Je commenterai les millésimes courants de ses trois vins disponibles à la SAQ bientôt.

En 2006, dans une dégustation où j’ai présenté le Castello et le Casalferro, la moitié des dégustateurs ont préféré le Castello et l’autre moitié le Casalferro. Il en faut donc pour tous les goûts.

M. Ricasoli se dit d’ailleurs « contre les talibans qui veulent imposer le sangiovese pur. Un cépage irrégulier qui ne donne jamais le même résultat, le même vin. Il faut donc faire de nombreuses expériences et de nombreux essais pour obtenir un vin agréable. » (www.ricasoli.it)

Voilà c’était une première journée bien remplie en Chianti. Trois domaines, un petit, un moyen et un gros. Trois productions différentes, trois approches, mais des résultats très intéressants. Vive la variété ! Vive le sangiovese ! Vive le Chianti classico !

www.caparsa.it
www.castellinvilla.com
www.ricasoli.it

Ce voyage a été fait à l’invitation de la Fédération internationale des journalistes et écrivains du vin FIJEV et de Regione Toscana dans le cadre du concours Selezione dei Vini Toscana.