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Le vin selon les générations en France

On essaie de comprendre le pourquoi de la forte baisse de consommation de vin en France. Les hypothèses sont nombreuses et variées. Mais ce qui est le plus important serait peut-être de savoir si cette baisse va continuer. C’est ce qui est primordial pour les producteurs.

Il semble bien que la réponse soit oui. La baisse observée de la consommation de vin en France ne serait qu’un début et cette chute va s’accentuer pour au moins une génération encore.

C’est une mauvaise nouvelle qui en cacherait une bonne. En effet, la consommation de vin va continuer à diminuer, mais la consommation de vin de qualité pourrait se maintenir.

Deux chercheurs français, l’un spécialiste du marketing et l’autre du management, Thierry Lorey et Patrice Cailleba tentent de détecter les tendances dans la consommation de vin en l’étudiant sous l’angle des générations.

Pourquoi papy français buvait-il du vin régulièrement et pourquoi le jeune n’en fait-il pas autant?

Dans leur étude Le concept de génération : application aux représentations du vin en France sur quatre générations, les auteurs ont divisé le consommateur français en quatre générations. Ils se sont ainsi rendu compte que les comportements et attitudes face au vin varient énormément d’un groupe à l’autre.

Lorey et Cailleba ont interrogé des membres de chacune de ces générations.

Sur le plan théorique, nos résultats montrent la pertinence du découpage par génération initialement développé en sociologie pour expliquer les évolutions du comportement de consommation du vin en France sur le long terme. En effet, chacune de nos quatre générations étudiées possède une identité et un comportement de consommation spécifique basé sur des valeurs, des représentations et des attitudes qui leur sont propres, qui les différencient entre elles…»

Génération silencieuse, plus de 70 ans
Consommation quotidienne
Vision quantitative du vin
Plaisir authentique, lien social et découverte
Vin boisson saine avec des propriétés thérapeutiques
Le vin aliment énergétique
Le vin identité régionale.
Choisit des vins de table
Prix bon marché

Génération baby boom, de 44 à 69 ans
Consommation occasionnelle
Le vin produit plaisir des loisirs
Partage avec la famille et les amis: nostalgie et émotions
Vision qualitative du vin
Choisit des AOC et vins de pays
Émergence du prix comme facteur de segmentation sociale

Génération X, de 35 à 43 ans
Consommation occasionnelle
Le vin produit plaisir
Partage avec la famille et les amis
Lucide et pessimiste face au vin.
Complexité des appellations
Choisit des AOC et vins de pays
Statut social du vin

Génération Y, moins de 35 ans
Consommation très occasionnelle
Le vin produit lié à l’exception
Le vin est un luxe intimidant. La boisson de mes parents.
Ignorance des appellations.
Vin, boisson à risque pour consommations occasionnelles pour les mecs.
Perception du prix cher.
 

On voit que la perception du vin est en gros semblable pour les deux générations du centre, mais c’est totalement différent pour la génération Y, de ceux qui sont nés après 1977.


Il y a eu une forte rupture entre la génération pré et post 1945. Puis une plus forte rupture avec la génération 1977.

La consommation dominante devient occasionnelle ou exceptionnelle. Le vin en tant que patrimoine à transmettre est mis en question, notamment du fait de son image vieillotte et de l’affaiblissement du rôle du père. Par ailleurs, une contre-représentation du vin comme produit à risque semble émerger, notamment auprès d’une cible féminine et urbaine.

Pour la majorité de cette génération (Y), le vin apparaît comme un monde fermé, aux codes obscurs.»

Les producteurs de vin ont donc beaucoup de travail à faire pour convaincre les jeunes de boire du vin; eux qui affirment que «la place du vin est au musée», «la boisson de mes parents» et surtout les jeunes femmes qui disent «en France, le vin reste une affaire de mecs».

Ce n’est pas très réjouissant pour l’avenir des vignerons. «La baisse en volume va s’accentuer et la valorisation du vin comme produit  emblématique d’un certain statut social va perdurer» affirme M. Lorey.

L’étude est fort intéressante et l’angle de traitement est bien original. Mais rien n’est statique. Est-ce que les jeunes vont continuer à bouder le vin ou leur attitude va-t-elle changer? C’est difficile à prédire. Nos spécialistes du marketing devront pédaler fort renverser la tendance.

Les vignerons français ne sont pas aveugles. Ils constatent cette baisse de popularité du vin chez eux et font de plus en plus d’efforts à l’exportation.

Au Québec, c’est un peu la situation inverse. Nos grands-parents ne buvaient pas de vin. La consommation a vraiment débuté ici dans les années 1975 et suivante, pour s’accentuer dans les années 1980-90 et encore aujourd’hui.

En 1986, le Québécois buvait 13 litres de vin par année, en 2000 c’était 16 litres et nous avons dépassé les 20 litres en 2007. (Statistique Canada, consommation 15 ans et plus)

La consommation canadienne de vin est passée de 10 litres par habitant de 15 ans et plus en 2000 à 15 litres en 2009.

Pendant ce temps en France, la consommation passait de 70 litres par habitant de 15 ans et plus en 2000 à 48 litres en 2009. (Global-Wine)

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N.B. Les deux chercheurs ont interrogé 64 personnes. Parmi les 18 non-consommateurs, 4 sont des femmes au foyer. Sur les 16 jeunes, 6 étaient des étudiants âgés de 23 à 25 ans.
Les jeunes interrogés étaient 6 non-consommateurs, 7 occasionnels et 3 régulier. Les chiffres correspondants pour les X: 5,6,4; pour les Booms: 4,8,4 et 3,5,9 pour les vieux.

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Le concept de génération : application aux représentations du vin en France sur quatre générations, Thierry Lorey et Patrice Cailleba, Centre de recherche en management, Université Toulouse 1,  2010
La baisse de consommation de vin en France va s’accentuer,  AFP
Le contrôle et la vente des boissons alcoolisées au Canada, Statistique Canada