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L’effet de Veblen et le vin

  Texte modifé le 4 septembre 2011

Le vin comme beaucoup d’autres produits est quelquefois touché par l’effet de Veblen!

Qu’est-ce que l’effet de Veblen?
Une exception à la loi de l’offre et de la demande. On observe sur certains produits que plus on hausse leur prix, plus les ventes augmentent!

L’économiste américain d’origine norvégienne Thorstein Veblen fut le premier à développer ce concept dans son livre The Theory of Leisure Class, (La théorie de la classe de loisir) en 1899. Il appelait cela «conspicuous consumption» ou consommation ostentatoire.

Aujourd’hui, ce concept est bien connu en marketing. On le voit dans l’achat de voiture de luxe, de bijoux, montres, souliers, sacs à main, robes griffées, repas aux restaurants de luxe ou lorsque des jeunes achètent des baskets très chers. Même des stylos peuvent s’acheter à plus de 100 $.

On veut se faire plaisir, on veut hausser son statut social, on veut augmenter sa collection.

Des producteurs de vins ont compris et mis en pratique depuis quelques années ce paradoxe de la loi de l’offre et de la demande.

Le plus bel exemple est donné par les grands crus de Bordeaux, des cuvées de Châteauneuf-du-Pape, les supertoscans, des bourgognes, les microcuvées du Priorat et les vins de garage. Il y aura toujours des gens qui voudront acheter le vin le plus cher possible. La hausse du prix d’une bouteille la rend moins accessible, donc plus désirable. Son achat devient une source de distinction. Alors, des producteurs s’efforcent de satisfaire cette demande. 

Lafite déclassé par Pédesclaux

Le vin plus cher n’est pas nécessairement le meilleur. On en voit des exemples régulièrement. Le magazine britannique Decanter a publié dans son édition de juillet 2008 les résultats d’une dégustation à l’aveugle de vins de Médoc du millésime 2005. Ces experts disent avoir été étonnés! Des 5e crus ont été préférés à des 1er et 2e. Des vins de 40 $ ont été plus aimés que des vins de 2000 $.

Le petit Château Pedesclaux à £ 20 a obtenu 5 étoiles tout comme le Mouton Rothschild à £ 540 et devant les Latour (£ 1000) Cos D’Estournel (£ 129) à 4 étoiles et loin devant Lafite-Rothschild (£ 902), Palmer et Montrose qui n’ont obtenu que 3 étoiles. 

Plusieurs autres vins «moins chers«, comme Lagune, Haut-Bages-Libéral, Lagrange ont recueilli autant de notes de ces experts britanniques que les Mouton et Margaux.

Bien sûr, on pourra dire que Lafite (note de 15,8) vieillira peut-être mieux que Pedesclaux (18,5-20). On affirmera aussi que dans les très bons millésimes des petits producteurs peuvent faire aussi bien que les plus grands.

Le même phénomène a été observé dans les dégustations du Grand Jury européen, Un second qui bat les premiers.
 

Champagne Veblen

L’effet de Veblen a des répercussions dans presque toutes les régions viticoles. En Champagne, avec les cuvées de luxe comme le Cristal de Roedered (280 $). D’ailleurs, on peut dire que presque toute la Champagne est sous l’effet de Veblen si on compare ces vins aux cavas d’Espagne. En Châteauneuf-du-Pape, certains producteurs font de «grandes cuvées». Ces vins contiennent un peu plus de tout. Mais, lorsqu’on déguste à l’aveugle la grande et la petite cuvée, on préfère souvent la petite.

Même des producteurs du sud-ouest de la France veulent profiter de l’effet de Veblen. Ils se contentent quelquefois de tout simplement surboiser des cuvées plus concentrées.

Un producteur fait un nouveau vin et l’offre en petite quantité à près de 100 $. Sur des forums de discussion, on lit des commentaires dithyrambiques sur ce vin. On se promet de l’acheter, on réserve des bouteilles, des caisses même. Pourtant, aucun des participants ne l’a bu!

Si vous allez dans les magasins Signature de Montréal et de Québec vous aurez une belle illustration de l’effet de Veblen.

C’est captivant, tous ses phénomènes autour du vin. L’effet Placebo joue très fort dans ce domaine. Une belle étiquette, un gros prix et on éprouve un grand plaisir, même lorsque quelqu’un a remplacé le liquide dans la bouteille par un vin beaucoup moins cher comme l’ont démontré plusieurs expériences.

Terminons sur une belle citation d’un des enfants Moueix tirée du magazine Decanter de septembre 2011. «Nous pourrions hausser le prix de notre Pétrus plusieurs fois, mais nous ne le faisons pas. Nous avons des responsabilités.»

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   Texte modifé le 4 septembre 2011