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​Champagne non bio, mais durable

Mon article du 16 décembre intitulé «Le champagne c’est chimique» a fait réagir en Champagne.

J’y disais que la Champagne est une région viticole très chimique. La surface de vigne cultivée en bio n’est que de 646 hectares sur les 34 000 hectares de l’appellation.

Les 300 grands producteurs de champagne, les 140 coopératives et la plupart des 15 000 vignerons ne sont pas intéressés par l’agriculture biologique.

Alors, ils ont recours à toute la panoplie des aides chimiques: insecticides, fongicides et engrais chimiques.

M. Thibaut Le Mailloux, directeur de la communication du Comité interprofessionnel du vin de Champagne a tenu à me dire que si la Champagne n’est pas bio, elle vise toutefois a être durable.

«La certification Viticulture durable en Champagne représente une surface de 12,5% de l’aire d’appellation Champagne.»

M. Thibaut ajoute «ensuite et surtout, la stratégie de la Champagne est collective, c’est-à-dire qu’elle part du principe que le fait que 100% des acteurs soient en mouvement aura un impact largement plus fort que si nous encourageons uniquement la certification, qui séduit une proportion plus faible des exploitants…»

Le porte-parole de la Champagne viticole ajoute que les quantités de pesticides utilisées en Champagne ont chuté de 50% en 15 ans; ainsi que l’usage des engrais azotés.

Il y a donc du progrès, toutefois on est loin du bio et il semble bien que l’on ne s’y rapprochera jamais.

C’est que la plupart des vignerons champenois ne produisent pas de vin, mais vendent plutôt leurs raisins à de grandes marques.

En 2016, le reportage de l’émission Cash Investigation révélait que le département de l’Aube (Champagne) est celui où se vendent le plus de pesticides dangereux. (Vidéo 2h15)

Puis, l’Association Robin des Bois publiait la carte des départements de France où il se vend le plus de pesticide. «L’Aube et la Marne sont les premières régions de France où sont vendus des pesticides avec des substances cancérigènes, mutagènes et reprotoxiques. / © Robin des Bois» (Cliquez sur la carte pour l’agrandir.)

L’Aube et la Marne ce sont les deux départements de la Champagne.

À la suite de ces révélations, des vignerons bios ont réclamé en 2016 l’interdiction totale des pesticides dans le cahier de charge de l’appellation Champagne. «Plus de 85 % des surfaces viticoles de Champagne sont ainsi touchées par l’utilisation d’herbicides. Les fortes précipitations de ces derniers jours incitent les vignerons à traiter à nouveau les vignes avec des produits chimiques.» (France 3)

Les dirigeants de la Champagne viticole ont alors refusé la proposition d’interdire les pesticides. Le vice-président de l’Association viticole champenoise, Jean-Louis Normand, a dit que «dans nos exploitations, il y a des problématiques très diverses. Il faut laisser le temps. C’est pour cela que la Champagne a mis en place la viticulture durable qui permet à chacun de faire son autodiagnostic…) (Voir la vidéo de France 3)

Champagne
34 000 hectares
15 000 exploitants
140 coopératives
300 maisons
15 000 salariés
grappe de raisin 6 €
312 millions de bouteilles
7,2 milliards $
Exportation 4 milliards $
civc

Pourtant, ça ne semble pas être une question d’argent, car selon des producteurs de vins bios en Champagne, il n’en couterait que de 10 à 30 centimes de plus la bouteille pour y faire du vin bio.

La Champagne est en retard dans ce domaine. Elle est la région de France où l’on achète le plus de pesticides; soit 788 tonnes dans le département de l’Aube et 710 tonnes dans celui de la Marne.

Au niveau de l’épandage du controversé glyphosate (Rounbup) l’Aube a le record avec 276 tonnes en 2011-2013. (Cité par France Info en octobre 2017)

Pourtant, la Champagne est riche. Le prix du raisin y est le plus élevé au monde, soit 6 euros le kilo.

Pourquoi alors cette réticence? L’explication se trouve peut-être dans le mode de commerce du raisin dans cette région. La plupart des vignerons ne font pas de vin, mais vendent leurs raisins à des négociations; le prix du raisin est très élevé; les vignerons ont des contrats à très long terme avec ces négociations ces grandes maisons de champagne… Rien pour inciter à la production de raisins plus sains.

Est-il encore aujourd’hui concevable, acceptable, imaginable que l’on trouve dans les caisses de vendanges des raisins qu’aucun être humain et aucun animal n’oserait même porter à sa bouche…

Ainsi, s’exprimait Pierre-Emmanuel Taittinger en décembre dernier (cité par L’Est Éclair). Le président de l’Association viticole champenoise ajoutait «On ne fait pas une bonne bouteille avec des raisins pourris.» Il poursuivait en disant «Il est temps d’être ferme et catégorique sur le sujet, à moins […] qu’on en vienne à différencier les prix du raisin en raison de leur état sanitaire au moment de la cueillette.»

En effet, le raisin n’est pas payé en fonction de sa qualité, mais selon un prix fixé par contrat d’approvisionnement long terme. Un peu comme dans les vieilles coopératives. Un système de grand confort qui n’encourage peut-être pas la qualité ni n’incite à travailler plus fort pour produire le plus écologiquement possible.