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Du vin pour dépanner à 70 $ + taxes

La compagnie d’embouteillage de vin Julia Wines a beaucoup fait parler d’elle ces derniers jours en annonçant la mise en marché d’un vin à 70 dollars dans les dépanneurs de la chaîne Couche-Tard à l’est de Trois-Rivières.

Cette compagnie avait fait le même genre de campagne l’an dernier en annonçant la vente de vin à 60 dollars chez Costco. (1)

Les vins vendus dans les dépanneurs sont exclusivement des vins qu’on fait venir en vrac et qui doivent être impérativement embouteillés au Québec.

Ce sont donc des vins bas de gamme et payés moins chers que ceux embouteillés au domaine dans les pays de production. Le prix du vin en vrac varie en général de 1 à 2 euros le litre en France. Ce sont des surplus de vin que les producteurs ne veulent pas ou ne peuvent pas vendre eux-mêmes.

Alors, qu’est-ce qui justifie ce prix?
L’on peut énumérer quatre facteurs qui peuvent justifier un prix élevé pour un vin?

  • La notoriété du vin
  • La rareté
  • Le coût de production
  • La consommation ostentatoire

La notoriété
Il y a deux types de notoriété: celle du producteur et celle de l’appellation.
Ici dans le cas de ce vin, il n’y a pas de notoriété puisqu’on ne mentionne pas le ou les noms des producteurs et qu’il n’y a pas d’appellation contrôlée. Il n’a même pas de nom, seulement un numéro. Il n’a pas d’historique, il n’a jamais été noté, ni commenté par un critique de vin.

La rareté
Certains vins sont produits en très petites quantités, donc plus rares. Ce n’est pas le cas ici puisque le liquide est acheté en vrac donc facilement disponible en grande quantité. À titre d’exemple, le merlot en vrac provenant de Lake County en Californie, d’où provient le vin en question est de 12 à 14 $ le gallon ces jours-ci. (2)

Les coûts de production
Certains modes de fabrication de vin coûtent beaucoup plus cher. Ils nécessitent une plus longue maturation sur la vigne ou en cave, tels les sauternes, les portos et les vins jaunes. Ce n’est pas le cas ici puisqu’il s’agit tout simplement de raisins rouges, principalement du merlot, largement disponible en Californie.

La consommation ostentatoire
Des consommateurs aiment boire des vins chers. D’ailleurs, il a déjà été démontré qu’aussitôt qu’on connait le prix élevé du vin, la zone de plaisir de notre cerveau (le cortex orbitofrontal) s’active. (3)

C’est donc ce quatrième facteur, le plaisir de se payer un vin cher qu’on croit qu’il devrait être bon qui peut inciter des consommateurs à acheter un vin à un tel prix.

Le prix est un élément important dans le marketing du vin. Toutefois, pour ce qui est des vins dans les dépanneurs, il y a un grand obstacle. C’est l’endroit où l’on vend les vins bas de gamme, nommés «entrée de gamme» par les gens de marketing. Est-ce qu’il suffit de hausser le prix pour en faire des vins haut de gamme? L’entreprise Julia Wines nous promet même du vin à 150 $ pour les Fêtes!

En terminant, mentionnons que dans le site internet de Julia Wines, on lit sur ce vin appelé Julia Cellier 71 que sa principale composante provient d’une région spécialisée dans le cabernet franc. Pourtant, sa fiche indique qu’il ne contient que 5 % de cabernet franc contre 85 % de merlot!
 

(1) Le vin en vrac vendu à fort prix en bouteille par nos épiciers
(2) Wine Business
(3)  Marketing actions can modulate neural representations of experienced pleasantness. Hilke Plassmann, John O’Doherty, Baba Shiv, Antonio Rangel