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La SAQ n’utilise pas son fort pouvoir d’achat!

On entend beaucoup parler du soi-disant fort pouvoir d’achat de la Société des alcools du Québec (SAQ).
Notre monopole serait le plus grand acheteur de vin importé au monde.

La semaine dernière, le président de la SAQ a mentionné à plusieurs reprises dans une entrevue à Radio-Canada  ce pouvoir d’achat.

Pourtant, son pouvoir d’achat, la SAQ ne l’utilise pas; sauf pour un type de vin!

La SAQ ne veut pas avoir de vin à bas prix!
Lorsque la SAQ veut acheter du vin, elle ne demande pas le moins cher. Ce n’est pas comme cela que ça marche.
La SAQ procède par appels d’offres pour garnir son répertoire de vins courants.
Et elle fixe un prix minimum pour chaque appel d’offres.

Prenons un exemple actuel. La SAQ annonce qu’elle a besoin de deux vins rouges de la vallée du Rhône pour son répertoire de vins courants. Elle lance un appel d’offres. Elle dit qu’elle va retirer trois vins de cette section pour les remplacer par deux nouveaux. Toutefois, elle fixe un prix minimum : 17,50 $

Ça peut sembler étrange! En effet, lorsqu’un grossiste recherche un nouveau produit, il vise à avoir ce produit au plus bas prix, mais pas les acheteurs de la SAQ. D’ailleurs, ils fixent l’appel d’offres en fonction non pas du prix de gros (le coutant), mais du prix de détail après majoration et taxes.

Donc, la SAQ lance un appel d’offres «Plan d’introduction: 2 vins; 17,50 $ à 19,95 $ segment prioritaire stratégique pour la catégorie Vin rg France Vallée du Rhône»


Pourquoi ce prix. Il n’y a qu’un vin dans ce groupe de prix de cette catégorie et ses ventes ont été en baisse de -6,2 % au cours de la dernière année. Par contre, les 6 vins du segment de 12,00 $-14,95 $ a connu une hausse de 10,5 % !

Le vigneron et son agent
L’appel d’offres est lancé. Prenons maintenant un exemple (fictif) de conversation entre un producteur de vin et son agent au Québec qui veulent remporter cet appel d’offres.

Vigneron — «Je veux entrer à la SAQ. Je vais assembler un vin qui se nommera Cuvée du Papy. Il me coûte 3 $, je vais le vendre à la SAQ 4 $.

Agent — Ce n’est pas comme ça que ça marche! Si tu offres ton vin à 4 $, il se détaillera après majoration SAQ et taxes à 14,25 $. À ce prix, tu n’es pas conforme à l’appel d’offres. Fais un effort supplémentaire.

Vigneron — Ok, je vais vous le vendre à 6 $.

Agent — Oui, à 6 $, ça donnera 17,45 $ et là, ta demande sera étudiée. (Voir tableau)

Vigneron — Bravo, je vais faire pas mal d’argent!

Agent — Pas si vite. Oui, mais pas tant que ça, parce qu’il faut prévoir un budget de promotion. Il faut que tu t’engages à dépenser de l’argent pour la pub. Je propose que tu t’engages à dépenser X $ dans les circulaires de la SAQ. De plus, la SAQ a une revue Tchin Tchin, tu devrais promettre Y $ en pub. Puis, il faut aussi promettre de dépenser Z $ en pub sur ton vin dans la presse.

Vigneron — D’accord.

Agent — Il faut aussi acheter des points.

Vigneron — Des points? Acheter des points! Qu’est ce que c’est que ça?

Agent — C’est nouveau et super. La SAQ a maintenant une carte de fidélité appelée SAQ Inspire. Je propose que tu t’engages à offrir 1000 points pour ton vin un week-end par semestre.

Vigeron — 1000 points! C’est beaucoup!

Agent — Bien non, ce n’est rien. Ce n’est qu’un dollar par bouteille. De plus, ce serait bien de promettre une réduction de 2 $ sur ta bouteille pendant la vente du printemps.

Vigneron — 2 $ c’est beaucoup, non ?

Agent — Bien non, tu vends ton vin 2 $ de plus que tu voulais à l’origine.»

C’est ainsi que cela fonctionne. Alors, expliquez-nous monsieur le président où est le fort pouvoir d’achat de la SAQ et en quoi le consommateur en bénéficie?

Ils sont tous pareils
La SAQ n’est pas le seul monopole du vin à agir ainsi. La Régie des alcools de l’Ontario (RAO LCBO) fait de même. Elle se l’est déjà fait reprocher d’ailleurs par le vérificateur général de l’Ontario.

«Dans le secteur privé, les grands détaillants profitent de leur pouvoir d’achat pour négocier des prix inférieurs auprès des fournisseurs. Bien qu’elle soit l’un des plus importants acheteurs d’alcool au monde, la RAO ne met pas l’accent sur l’obtention du prix le plus bas possible pour un produit. Le prix qu’elle paye est plutôt fondé sur le prix de détail qu’elle veut demander pour le produit. La RAO soumet aux fournisseurs une fourchette de prix dans laquelle elle souhaite vendre un produit», écrit le vérificateur général de l’Ontario.

Le vérificateur de l’Ontario notait que ce système est le même qu’à la SAQ. «Dans notre Rapport annuel 2011, nous avions noté que la RAO avait de nombreuses pratiques d’approvisionnement bien établies comparables à celles d’autres administrations canadiennes et d’autres monopoles gouvernementaux.»

Mandat de rapporter de l’argent
En somme «la structure de prix fixes de la RAO ne favorise pas la négociation de prix de gros inférieurs, qui entraîneraient des prix de détail moins élevés qui, à leur tour, généreraient moins de profits. Cela va à l’encontre du mandat de la RAO, qui vise à générer des profits pour la province.»

C’est ainsi que cela fonctionne dans nos monopoles d’achats. On veut payer cher, pour vendre cher et donner au ministre des Finances le milliard qu’il a commandé.

J’ai dit en début d’article que les acheteurs de la SAQ n’utilisaient la force de leur pouvoir d’achat que pour un seul type de vin. Lequel? Le grand cru. Ils obtiennent de bons prix pour les grands crus de Bordeaux, de Bourgogne et de Bolghérie. De plus, la marge qu’ils appliquent à ces vins est trois fois plus petite que celle des vins dits à petit prix. Alors, bravo pour les riches qui peuvent en profiter, mais nous petits consommateurs, on profite de nous!


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