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L’affaire est rosée

Le rosé est devenu très populaire en France. Il aurait doublé ses parts de marché en dix ans. Le rosé de vent bien, souvent au détriment du blanc. Douce revanche pour les producteurs de rosé qui étaient accusés de faire de la piquette il n’y a pas si longtemps.

Alors aujourd’hui, tout le monde veut fabriquer du rosé, même ceux qui ne peuvent pas. À moins qu’on appelle rosé un vin blanc coloré avec un peu de vin rouge comme nous le montre cette image.

Un scandale? Une affaire? Une bévue? Un progrès? Un recul?

«A Crack in a French civilization» rien de moins, écrit le très sérieux Washington Post. Le journal interroge une productrice de Provence qui affirme qu’on veut écouler des stocks invendus de vin blanc, surtout d’Espagne.

Cette technique de coloriage serait utilisée en Australie et en Afrique du Sud qui sont de très petits producteurs de rosé, mais elle est interdite en Europe sauf en Champagne.

Les vignerons principalement du Rhône et de Provence s’opposent à ce coupage. Ils refusent ce faux rosé.

La France est le premier producteur de rosé au monde avec 6 millions d’hectolitres, devant l’Italie (4,4), l’Espagne et les États-Unis (3,8), puis l’Allemagne (0,7).

Seulement en Provence, le rosé concerne 650 domaines, 55 caves coopératives et 5000 petits producteurs. Ils écoulent 90 % de ce vin dans le pays.

En France, le rosé est fait surtout dans les AOC, très peu en vin de table, un petit 10 %. Par contre, si on permet de colorer le vin de table blanc en rosé, les ventes de ces petits vins pourraient fortement augmenter.

Les dirigeants français étaient favorables en janvier à la mesure légalisant le mélange. Ils se sont ravisés partiellement devant la forte opposition des vignerons.

Pourquoi permettre ce mélange?

Les autres le font, pourquoi pas nous, entend-on dire.  Pour écouler son blanc. Pour produire du rosé pas cher.  Pour protéger le consommateur! Pour protéger le marché. Pour exporter en Chine même! Est-ce que les Chinois ne sont pas capables de faire leur propre jaja?

Qui demande de réduire les critères pour la production de ce vin? L’Association générale des Entreprises Vinicoles de France est du nombre (Vitijob).

Le plus vieux vin du monde! Autrefois, on ne faisait pas de rouge. On ne savait pas comment. Alors, tous les vins étaient clarets, rosés.

À ma connaissance, le rosé n’est pas un vin blanc, mais plutôt un vin rouge pâle. Il est fait avec des raisins rouges (grenache, pinot, cinsault, cabernet…). On laisse le jus en contact quelques heures avec les peaux rouges des baies.

Sommes-nous curieux de voir ce que donnera un sauvignon bien herbacé coloré d’un petit verdot tannique, ou bien d’un dur colombard amélioré d’un jeune carignan?

Le rosé et le rosi

Il semble bien qu’il y aura deux rosés : le vrai et le moins vrai. Le rouge très pâle et le blanc rosi. Il s’agira de goûter et de voir si on aime.

Les politiciens européens prendront une décision avant les prochaines vacances et juste au début de la saison du rosé, en juin.

La mesure devrait s’appliquer le 1er août. Est-ce que cela va améliorer la toute fraîche réputation des rosés?

De toute manière, la décision semble déjà prise, car on lit sur le site de la Commission européenne

Dès le 1er août prochain, les amateurs de vin rosé seront mieux informés sur la façon dont a été produit leur breuvage préféré. Un nouveau règlement entrera en vigueur cet été qui prévoit que l’étiquette sur les bouteilles de rosé indiquera soit « rosé traditionnel » soit « rosé par coupage ».

En fait, le communiqué de l’UE précise en disant le contraire que l’étiquetage sera volontaire pour les producteurs et que si un pays veut le rendre obligatoire, il ne le pourra que pour les vins produits dans le pays même et non pour les vins importés!

En attendant

Il n’est pas nécessaire d’attendre la décision des grands bonzes de la Communauté européenne. S’il ne s’agit que de couper du blanc avec un peu de rouge, nous pouvons faire nos propres mélanges.

Je propose donc un savagnin coloré d’un peu de carmenère.

Toute cette controverse aura au moins à court terme un effet positif pour les producteurs de vrai rosé : un effet publicitaire, le rosé est dans l’actualité à la veille de la grande saison.

Bonne dégustation!

 Pour en savoir plus sur le rosé :