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Le système d’achat de gros de la SAQ est vicié

Un peu de lecture pour faire le point en ce début de semaine.

La SAQ veut payer les vins cher pour nous les vendre cher, nous dit la vérificatrice générale du Québec.
C’est une révélation pour certains, mais pas pour d’autres.

Le système d’achat de gros de la SAQ est vicié et ce n’est pas d’hier.

Un peu d’Histoire, de retour en 2005.

En 2005, un article du quotidien La Presse titre «La SAQ incite des fournisseurs à augmenter leurs prix de gros.» (Jacques Benoit et Marie Tison) C’est ce qu’on a appelé le scandale de l’euro qui a conduit au congédiement de deux vice-présidents puis à celui du président. Tentative d’escroquerie de la SAQ? décembre 2005

Au début de 2006, la SAQ fait un pas en arrière et annonce une réduction de prix sur les vins européens.  La SAQ recule et baisse le prix de certains vins, 21 janvier 2006.

François Chartier dit que «Les dirigeants de la SAQ sont aveuglés par l’appât du gain…», 31 janvier 2006.

Le 2 février, le président de la SAQ présente ses excuses. Selon M. Toutant, deux vice-présidents et 9 employés auraient mal interprété les politiques de la SAQ et lui auraient caché la vérité. Le président de la SAQ: «désolé de ce cafouillage».

Puis quelques jours plus tard, nous apprenons qu’un groupe de journalistes québécois a reçu des révélations étonnantes de vignerons d’Amérique latine sur la manière de négocier des acheteurs de la SAQ. Des gens de notre société d’État auraient demandé aux vignerons d’Uruguay de leur vendre leurs vins plus cher. À lire : Le scandale des prix du vin à la SAQ: pas une première, janvier 2006.

Un mois plus tard, La Presse révèle un courriel d’un vice-président de la SAQ qui dit que «les journalistes pourraient finir par s’intéresser à cette affaire»! (L’affaire de l’euro)  Toutant mis au courant dès le 11 décembre, 8 février 2006.

Quelques jours plus tard, le réputé chroniqueur vin Michel Phaneuf écrit dans la revue l’Actualité du 15 mars 2006 que la SAQ ne peut plus nous garantir de bons prix et ne peut plus distribuer adéquatement de nouveaux produits. «Un seul acheteur ne peut distribuer tous les vins du monde», écrit-il.  Michel Phaneuf se prononce pour la privatisation.

En décembre 2006, le rapport annuel du vérificateur général du Québec dit que «l’opération de décembre 2005 a dévié de son objectif. De fil en aiguille, les actions ont convergé vers l’objectif, discutable du point de vue éthique, d’amener les fournisseurs payés en euros à augmenter le prix départ chais de leurs produits…»

Ce rapport du vérificateur général démontrait que le prix départ chais pour les vins d’entrée de gamme était déjà de 20 % supérieur à celui qu’obtenait la LCBO. (Graphique 1, page 271)

En 2009, on apprend que la société des alcools du Nouveau-Brunswick a a ordonné à ses fournisseurs de hausser le prix de leurs vins de 2 % et d’augmenter leurs frais d’expédition de 3 autres pour cent. L’opposition crie au scandale. Le ministre des Finances de la province répond que ce n’est qu’une opération routinière.

En 2010, nous apprenons que nous payons plus cher le vin du Chili que tous les autres pays acheteurs dans  le monde!  Un jury canadien pour des vins chiliens que nous payons très cher, janvier 2010.

En 2011, le vérificateur général de l’Ontario dit que «La RAO (LCBO) n’utilise pas son pouvoir d’achat pour obtenir des prix inférieurs auprès des fournisseurs.»  Les monopoles canadiens ne veulent pas acheter à meilleur prix

Puis, en 2012, nous payons encore plus cher les vins du Chili, la situation se détériore.  Le Canada paie toujours plus cher les vins du Chili, février 2012. Encore en 2014. La même chose pour les vins américains.

Point tournant, en août 2012, on apprend que 100 vins de moins de 10 $ ont disparu du répertoire de la SAQ.

En janvier 2013, nous constatons que plusieurs vins sont retirés et remplacés par des vins plus chers. C’est l’opération dite de «montée en gamme».

En 2011, 2012 et 2013, la direction de la SAQ demande à ses employés de faire en sorte que leurs clients repartent avec un vin plus cher que celui qu’ils étaient venus chercher. C’est l’opération 4A+.

En septembre 2013, la SAQ se rend compte qu’elle a exagéré qu’elle a trop diminué l’offre de vin à bon prix et que ses ventes en volume baissent.

En novembre 2013, il ne reste plus que 30 vins à moins de 10 $ à la SAQ. Ce nombre sera maintenu jusqu’à aujourd’hui.

En juin 2014, c’est au tour de 100 vins de moins de 15 $ de disparaitre des rayons en seulement 6 mois.  Le nombre de vins à moins de 15 $ est coupé de moitié en 5 ans. Le 12, la SAQ fait un pas en arrière et dit vouloir maintenant des vins moins chers.

En septembre 2014, on comprend finalement comment la SAQ fait disparaitre des vins de moins de 15 $.

Le 31 août 2015, la Commission Robillard recommande de «de revoir le modèle d’affaires de la SAQ; de libéraliser les marchés des vins et spiritueux et de mettre la SAQ en concurrence.»

En décembre 2015, on explique pourquoi la SAQ n’utilise pas son fort pouvoir d’achat.

Finalement, en mai 2016, la vérificatrice générale du Québec, Guylaine Leclerc, remet un rapport confirmant que les dirigeants de la SAQ ne cherchent pas à avoir le plus bas prix de gros possible.

Elle écrit que «la SAQ leur fournit (aux fournisseurs) une calculette afin qu’ils puissent déterminer si leur produit se situe dans la fourchette de prix mentionnée dans l’appel d’offres.»

Puis le 2 juin, une étude de trois chercheurs tend à démontrer que la démonopolisation du commerce du vin accroitrait les revenus de l’État tout en faisant baisser légèrement le prix des vins.

Où s’en va la SAQ maintenant. On ne le sait pas trop. Elle n’a pas publié de plan stratégie pour cette année ni pour les années prochaines. Son dernier plan date de 2013-2015.

Donc, les trois monopoles du vin du Québec, de l’Ontario et du Nouveau-Brunswick établissent leurs prix de manière très bureaucratique ce qui mène à ses situations incongrues et peu éthiques. Il faudrait trouver une autre méthode de négociation des prix de gros auprès des fournisseurs.