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Ne sentez pas le vin avant de le déguster

Si nous dégustions autrement?

Le protocole actuellement utilisé pour déguster les vins est-il le meilleur?

Est-ce qu’on a la bonne technique? Est-ce qu’on utilise nos sens dans le bon sens?

Faites un test.
Ne sentez pas le vin avant de le déguster. Mettez-le directement en bouche. Brassez le un peu. Expirer, inspirer, puis après avoir avalé ou craché, expirez encore. Vous verrez qu’étonnamment vous sentirez fortement le vin.

On goute mieux et plus intensément le vin lorsqu’on n’a pas de préjugés, d’attentes particulières, ni d’idées préconçues.

Depuis quelques années les dégustateurs suivent un protocole bien particulier. On examine visuellement le liquide dans le verre, la couleur, la teinte, les jambes, le disque, la viscosité. On se fait ainsi une première idée de ce que sera le vin en bouche.

Puis, on sent le vin, on essaie de détecter des arômes. Notre idée du vin s’amplifie, se forme, se précise. On joue aux devinettes. Pourtant, on n’a même pas encore gouté.

Finalement, on passe le vin en bouche. Les impressions perçues au visuel et au nez se précisent, se confirment ou au contraire s’infirment, se contredisent, se bousculent, on frappe quelquefois un mur.

En agissant ainsi, on fonctionne par déduction, c’est le système de l’entonnoir. Du plus large au plus précis. Ça peut être efficace si on se prête au jeu de société qui consiste à deviner la provenance du vin, son cépage, son millésime… Mais est-ce qu’on goute vraiment bien le vin? Est-ce la meilleure méthode?

On réduit, on déduit, on s’autosuggestionne, on élimine. Par contre, si on met directement le vin en bouche, tous les sens interviennent en même temps, goûts, saveurs, sensations tactiles, odeurs et flaveurs. On n’a pas d’indices. Nous demandons ainsi un effort plus grand à notre cerveau. Il travaille plus fort. Le résultat peut être étonnant.

Après on peut sentir par le nez et regarder la couleur…pour compléter notre analyse.

La neurogastronomie nous apprend que l’humain perçoit mieux les odeurs par la bouche qu’au nez. Le chien sent surtout de façon orthonasale, par le nez, pour l’homme c’est rétronasale, par la bouche. On sait aussi que notre odorat devient moins sensible si trop stimulé. Notre système olfactif est construit pour détecter les changements subits d’odeur et non répétitifs. Donc, ce que l’on sent au nez, on ne le retrouvera pas nécessairement en bouche et on se prive ainsi de notre sens olfactif le plus puissant. (Voir vinquebec.com/node/9721)

Bon, ceci peut paraitre étrange, surtout lorsqu’on est habitué de déguster de la même manière depuis de nombreuses années. Toutefois, il est intéressant d’essayer cette nouvelle approche de la dégustation du vin.

Elle m’a été suggérée par la lecture d’un texte de Max Allen, chroniqueur de vin australien
qui a révélé en mars sur son blogue Real Australian Wines déguster ainsi depuis quelques années.

«I was taught to taste by compartmentalizing my experience: first smell the wine’s aromas intently, then take a sip and roll it (…)

But it began to dawn on me that evaluating wine like this doesn’t reflect the holistic, seamless way that real people experience wine. So I started skipping the initial smell stage and just putting the wine straight in my mouth. And I discovered that I could capture a more complete impression of the wine by doing this because I was experiencing the tactile sensations of the liquid – the tastes and temperature and touch of the wine on my tongue – at the same time as smelling it retronasally, via the passage at the back of the throat that leads up to the olfactory receptors in the nasal cavity.»

En fait ce n’est pas si différent de ce que nous avons appris et pratiquions jusqu’ici. Il s’agit tout simplement d’inverser l’ordre. De le faire à l’envers. Puis après quelques jours de pratique, nous nous demanderons laquelle des deux techniques est à l’envers.

Faites l’expérience et dites-moi ce que cela aura donné.

Bonne dégustation.

  Tasting in Technicolor, Max Allen
  Neurogastronomie, comment le cerveau crée les saveurs et pourquoi c’est important 
  L’image provient du livre NEUROGASTRONOMY How the Brain Creates Flavor and Why It Matters