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Le vin à l’oeil – Le bilan de santé

La première raison pour laquelle il faut regarder le vin avant de le goûter, c’est de l’interroger sur son état de santé. Un vin malade ne peut être agréable. Pour donner du plaisir, un vin doit être en bonne santé.

La limpidité

Comment établir ce diagnostic? D’abord, en vérifiant la limpidité du liquide. Cela se fait en examinant le disque, vu à la verticale.

Ce disque est le miroir de la limpidité du liquide. Le vin est dit limpide quand il ne présente aucune impureté, aucune matière solide [les voltigeurs] ni aucun « nuage » en suspension flottant dans le verre.

La présence de telles matières révèle un vin flou, voire trouble ou même bourbeux. Un tel vin n’est pas en bonne santé. Il aura été mal vinifié. Il sera souvent rustique et son évolution peut être compromise.

Par contre, plus un vin est limpide et transparent, plus la surface du disque est brillante, voire éclatante. La brillance et l’éclat proviennent de l’aptitude du liquide à réfléchir la lumière. Plus un vin est pur, plus il brille. Il est alors facile de conclure que ce vin est en bonne santé. Pour décrire la limpidité du vin, le vocabulaire utilisé par les dégustateurs est le suivant :

bourbeux – trouble – flou – limpide – brillant – éclat [qui a de l’]

Les vins bourbeux ou troubles sont inacceptables et doivent être refusés. Un vin flou est suspect. Pour être d’une qualité jugée acceptable, le vin doit être au moins limpide. La brillance, pour sa part, est un indice de qualité, tandis qu’un vin qui a de l’éclat ne peut que réjouir le dégustateur, qui y voit une promesse du plaisir qu’il éprouvera très bientôt au nez et en bouche.

Il est vrai que certains vinificateurs, même de très réputés, obligent parfois le dégustateur à faire preuve de tolérance. C’est qu’ils refusent pour, disent-ils, donner plus de saveur à leurs vins, de les filtrer. Ces vins sont alors souvent flous sans pourtant être vraiment malades. C’est du moins ce que défendent ces vinificateurs. À chacun de décider.

Il ne faut pas non plus confondre les matières douteuses avec la lie. Celle-ci forme parfois un dépôt au fond du verre ou flotte dans le liquide. Ce qui n’a aucune conséquence véritablement fâcheuse. Il s’agit simplement de résidus qui se forment à la suite de l’évolution normale des tannins et des pigments.

Il en va de même pour les cristaux qui se retrouvent parfois dans les vins blancs, plus rarement dans les rouges. Souvent, ces cristaux sont collés au bouchon. Ils sont constitués de bitartrates de potassium et résultent d’un coup de froid. Pas plus que la lie, ils n’altèrent le goût du vin. Ils sont donc acceptables.

Pour ce qui est du problème de confondre impuretés et lies, le néophyte sera rassuré de savoir que les lies sont rares dans les jeunes vins rouges et vraiment très rares dans les vins blancs. Ce sont presque toujours dans les vieux vins rouges qu’on en retrouve et la décantation préalable devrait les avoir éliminées.

La couleur

Pour établir un bilan de santé complet, le dégustateur doit aussi examiner la couleur du liquide, qui lui révélera l’âge relatif du vin, son degré d’évolution.

Pour parler de la couleur du vin, le vocabulaire traditionnel de la dégustation emploie une expression aujourd’hui quelque peu surannée, la robe du vin. L’expression est jolie, mais confond deux concepts qu’il faut savoir distinguer. Il s’agit d’abord de la nuance, qui est la couleur à proprement parler, puis de l’intensité de celle-ci, la profondeur de cette couleur.

C’est que la couleur du vin est beaucoup plus complexe que la trop élémentaire distinction entre vins blancs, rosés et rouges. Dans chacune de ces catégories, la couleur du vin peut offrir un très large éventail de coloris différents. Pour les décrire, le dégustateur utilise au moins le vocabulaire suivant :

pour le vin rouge : violacé – pourpre – rubis – cerise – vermeil – grenat –
coca cola – tuilé – orangé – fauve – brun



pour le vin blanc : verdâtre – paille – jaune – doré – ambré – fauve – brun

pour le vin rosé : grenadine – framboise – orangé – pelure d’oignon

Pourpre, rubis et cerise sont, dans un ordre décroissant de richesse [le pourpre étant le rouge le plus riche et la cerise, le rouge le moins riche], des nuances de vins jeunes. Plus ces nuances sont violacées [le violet est un rouge teinté de bleu], plus le vin est jeune. Le vermeil peut être interprété de deux façons.

Ce peut être ou la couleur d’un jeune vin très pâle ou celle d’un vin ayant atteint un grand âge. Dans ce cas, c’est l’analyse olfactive qui permettra de trancher.

C’est que l’évolution du vin va, avec les années, en modifier la couleur. Le phénomène qui provoque les changements de couleur du vin, c’est l’oxydation. Plus un vin vieillit [en bouteille ou en fût], plus il s’oxyde. Le vin va alors progressivement passer au grenat puis, inexorablement, au tuilé et au brun. Quand un vin arrive au stade à où il a pris une nuance qui est celle du coca cola [un brun terne], c’est que l’oxydation a fait sont œuvre au-delà de l’acceptable. Le vin est à rejeter.

Cette évolution des nuances de couleur se vérifie aussi avec les vins blancs. Un blanc trop jeune [ou issus de raisins pas assez mûrs] est verdâtre. Les jeunes vins blancs sont [en ordre croissant de richesse] paille, jaunes ou dorés. Toutes les nuances de doré sont possibles, depuis l’or jaune jusqu’au vieil or aux reflets cuivrés.

Un grand vin liquoreux ambré est au sommet de son évolution. Un petit vin sec ambré est, lui, dépassé et fini. À plus forte raison s’il tourne au brun. À ce stade, tous les vins doivent être considérés en bien mauvais état.

La même logique s’applique aux vins rosés.

En plus de la nuance, les vins rouges comme les vins blancs présentent aussi une grande variété d’intensités de couleurs. Le rouge va du presque noir [on dit un vin d’encre] au plus clair. De même, les blancs dont la profondeur de la robe peut aller du plus intense au plus léger. Pour décrire l’intensité de la couleur d’un vin, le dégustateur utilise le vocabulaire suivant :

clair – léger – pâle – moyen – foncé – opaque – noir

L’examen de l’intensité se fait en regardant le disque à la verticale. Dans un verre [INAO], qui contient environ une once et demie de liquide [45 ml], le vin est qualifié de foncé quand le pied [au fond du verre] n’est presque plus visible.

Souvent, il y a cependant dans le jugement qui est porté sur la couleur du vin un effet de mode. Aujourd’hui, les vins foncés ou opaques impressionnent beaucoup. Au point que les vins un peu pâlots sont d’emblée mal jugés et vite assimilés à un petit vin. Il faut cependant être prudent, parce qu’un jugement trop hâtif, au moment de l’examen visuel, est parfois contredit par les phases suivantes de la dégustation, la phase olfactive et la phase gustative. Un vin pâle peut, en fin d’analyse, se révéler être un grand vin. Il n’en reste pas moins que, le plus souvent, la nuance et l’intensité sont de bons indices de qualité pour les blancs comme pour les rouges. Un pourpre profond ou un riche doré sont autant de promesses auxquelles il est difficile de résister.

Tout comme les nuances de couleur changent avec le vieillissement du vin, l’intensité de la couleur diminue avec les années. Un vieux vin n’est jamais opaque. Il pâlit avec l’âge.

La couleur d’un vin est un parfait révélateur de son âge. Le vin rouge, qui est violacé, pourpre, rubis ou cerise en jeunesse, passe au grenat et au tuilé avec les années. L’apparition de l’orangé et, enfin, du brun indique que le vin est fatigué et que ses jours de splendeur sont maintenant chose du passé. La couleur du vin blanc évoluera de même, passant d’un riche doré à un magnifique ambré, pour finir tristement tout en brun.

La couleur peut aussi révéler une maladie. Par exemple, quand un vin rouge présente une nuance très proche du coca cola, il est presque certain que le vin est oxydé au point que le nez et la bouche confirmeront qu’il est imbuvable.

Ce secret des couleurs ne peut cependant pas révéler l’âge véritable d’un vin, en ce sens que ni la nuance ni son intensité ne permettent de compter les années. Impossible, à seulement regarder un vin, de décréter qu’il a huit ou douze ans, ce que les couleurs révèlent, c’est l’âge relatif du vin, son degré d’évolution. La couleur permet d’établir qu’un vin est encore tout jeune et fringant [même si l’étiquette précise qu’il a plus de 20 ans] ou qu’il est déjà vieux et épuisé [même si en réalité il n’a que deux ou trois ans de bouteille].

Alors, un vieux vin qui est plutôt grenat avec des nuances tuilées affiche simplement son âge véritable. Il n’est pas malade pour autant. Un vin jeune de deux ou trois ans,qui aurait la même nuance grenat, est, lui, indiscutablement un vin en mauvaise santé. Cela ne veut pas dire qu’il sera désagréable à boire, mais il devra être bu le plus tôt possible, parce qu’il n’a aucun avenir.

L’avenir d’un vin est aussi un critère de santé dont il est facile de juger en examinant la couronne. La couronne apparaît quand on examine le disque latéralement. En penchant le verre, la couronne se situe au sommet de l’anneau qui cerne le disque à sa base et sur ses côtés.

C’est dans la couronne qu’il est possible de lire les signes avant-coureurs de l’évolution future d’un vin. La couronne révèle le spectre de la couleur.

Dans un vin rouge, constater des reflets violacés dans la couronne est signe que le vin est encore très jeune. Habituellement, cela veut dire qu’il est même encore trop tôt pour le boire. Si, cependant, ce sont des reflets bruns ou orangés qui apparaissent, c’est que, même si le disque semble avoir encore de belles couleurs, la fatigue guette ce vin et son évolution pourrait être bien rapide.

Dans les blancs, ce sont des reflets jaunes ou verts qui indiquent la jeunesse et des reflets bruns qui annoncent le déclin.

Benoit Guy Allaire

Les indices de qualité