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Échantillons : 20 % de fraudes

Que valent les médailles des concours de vin?
Comment se fait la sélection des vins présentés à ces concours?
Est-ce que le vin jugé et médaillé est vraiment le même que celui que nous achèterons sur les tablettes?

«Un vin sur cinq contrôlé par la Répression des fraudes en 2007 n’était pas conforme à la réglementation.»

C’est ce que nous rapporte la Revue du vin de France dans un article sur les concours de vin.

L’article est intitulé «Révélation – Que valent vraiment les médailles des concours?»

Florence Bal nous y dit que certains organisateurs de concours «resserrent l’amplitude des notes des jurés et certains lissent les résultats.»

Quelle que soit la qualité des vins, il y a toujours entre 25 et 33 % de vins médaillés. Plus il y a de médailles plus l’organisateur fait de l’argent. Il vend d’ailleurs les médailles. Le producteur médaillé paie entre 18,50 euros et 110 euros pour un paquet de 1000 macarons représentant sa médaille.

Dans certains concours, le producteur doit aussi payer pour utiliser les commentaires faits sur son vin.

Debout et par milliers

Le champion est le International Wine Challenge de Londres qui distingue 67 % des vins présentés. Les jurés dégustent debout de 50 à 300 vins par jour pendant 10 jours!

Au Concours des grands vins de France de Mâcon, 10 000 vins sont jugés en une matinée!

Plus il y a de vins en compétition, plus l’organisateur fait de l’argent. Chaque producteur paie de 42 à 180 euros par vin qu’il présente.

La médaille de bronze, trop dépréciée, est souvent remplacée par un glissement de catégories. On ne donne plus de bronze, qui est remplacé par une médaille d’argent, elle-même remplacée par une médaille d’or et cette dernière est déclassée par une Grand Or (Bruxelles) ou un trophée (Riesling du Monde).

Ainsi, au Vinalies internationales, un quart des vins présentés reçoivent une médaille d’argent!

L’ONU du vin

Au Concours mondial de Bruxelles, «220 bouteilles primées sont rachetées au hasard dans le commerce pour un contrôle sous huissier.» Toutefois,  «le redressement de la variabilité des notes entre dégustateurs et jury lisse les résultats.» Il faut dire ici que les 250 jurés proviennent de 45 pays.

De 45 pays! Que peut donner la somme de tant de goûts différents?

En 2007, devant le grand nombre de ces concours, le service français de la Répression des fraude a mené une enquête sur «la vératicé des médailles apposées sur les bouteilles». 

Une bouteille sur cinq non conforme

Sur 464 contrôles des chais, «20 % des vins analysés (un vin sur cinq!) n’étaient pas conformes à ceux présentés aux concours.» 9 % des entreprises ont été rappelées à l’ordre pour «anomalies» et un seul procès-verbal a été dressé pour fraude avérée. La brigade des fraudes «a pointé la tracabilité défaillante des cuvées» et a eu grand peine à remonter jusqu’aux lots concernés.

C’est le producteur qui choisit les échantillons qu’il enverra aux concours. Seule exception, le Concours général agricole de Paris qui fait le prélèvement des vins au chai. «Cela permet d’éviter que le vigneron présente une cuvée « préparée », non représentative de sa production.» Plus de 2000 jurés y évaluent 13 937 vins.

Crédibilité

On peut supposer que c’est le même problème de crédibilité des échantillons qui s’applique aux vins reçus par les chroniqueurs de vins européens.

En Europe et aux États-Unis, ce sont les producteurs qui choisissent eux-mêmes les bouteilles qui sont envoyés aux critiques de vin. Alors, on peut se demander qu’elle est la proportion de ces vins notés 90 sur 100 ou 16 sur 20 ou 4 étoiles et plus sont vraiment les mêmes que deux qu’on retrouvera sur les tablettes. On ne le sait pas.

D’ailleurs, en buvant ces vins très haut cotés par les Wine Spectator, Wine Advocate, Decanter, RVF et des guides de vin de France, on se demande souvent comment ils ont pu donner une si haute note à certains produits qui semblent pourtant bien ordinaires dans nos verres. Ils n’ont peut-être pas jugé le même vin que celui qui nous est vendu.

Pourtant la SAQ utilise à profusion ces 90-92 WS, WA et autres dans ses promos de ventes de vins chers.

Les critiques de vin d’Europe et des États-Unis sont conscients des risques. Thierry Desseauve du fameux Guide Bettane et Desseauve me répondait dans un courriel l’an dernier que «c’est bien sûr une éventualité que nous mesurons. Aissi, nous achetons aussi des bouteilles et nous réalisons des dégustations comparatives avec certains distributeurs qui nous mettent à disposition leurs gammes. C’est le cas notamment pour les bsa en champagne, les bordeaux ou les appellations génériques des négociants bourguignons et rhodaniens.»

Comment faire la part des choses? Comment savoir qui triche? Comment le consommateur peut-il avoir confiance, sachant cela? Nous restons donc dans le doute. La crédibilité de ces médailles et de ces notes est entachée. Je ne vois qu’une solution : il faut prendre les échantillons sur les tablettes, dans le commerce.

Au Québec, le problème de sélection des échantillons ne se pose pas. Les bouteilles proviennent des étagères ou des entrepôts de notre monopole d’État.

La Revue du vin de France, édition octobre 2009, est actuellement en kiosque au Québec.

  Pour une liste des concours de vin, consultez l’annuaire www.vinup.com